• Pitseleh's Coffee •

   Je n'aurais jamais imaginé à quel point la musique dispose d'une telle force. Et je ne sais pas si c'est bien français ce que je viens de dire... enfin bon. Ce soir, je suis fatiguée, mais je n'irai pas me coucher. Pas avant un certain temps en tout cas. Je suis trop bien là. Loin des soucis superficiels, loin des soucis intérieurs... Je sens une plénitude bienfaisante... ce n'en est pas indescriptible car un seul mot me vient à l'esprit : "agréable".

   Contrairement aux quelques musiques, les dernières en date plus précisément, j'ai le bonheur d'avoir un passeport pour un nouvel endroit que mon imagination crée au contact de la musique, mais je n'ai pas l'estomac qui se resserre, les larmes dans la gorge, à l'idée que c'est un bonheur intense mais impossible car oui, ma conscience est toujours là, je ne suis pas partie au loin pour de bon. Je te rassure, ce n'est pas demain que j'embarquerai pour l'asile.

   Mmmmmh rien que d'écouter cela, c'est si apaisant. Pas de mot, une guitare et rien d'autre. Et de l'herbe à perte de vue. Sûrement un pré. Il y a une route à une centaine de mètres, j'ai dû me garer là et tout en me précipitant à travers l'étendue verdoyante, je souris à la vue d'un arbre sous lequel me reposer à l'abri de ce soleil printanier assoifant.
   C'est apaisant d'être étendu au milieu des fleurs, à l'ombre sous un arbre à écouter le vent qui sengouffre dans ses feuilles, parasitant le silence. Je ne vois plus mes pieds, il sont cachés sous ma longue, longue jupe couleur feu. Sur mes cuisses, il y a ma guitare, mon amie qui m'offre un son doux et réconfortant... Je commence à avoir chaud avec ce grand chapeau, et pourquoi pas des petites lunnettes rondes posées dessus ? Ça ferait très années soixantes... Ce serait plutôt bien approprié d'ailleurs...

   J'ai toujours aimé ces mélodies calmes, simples. Je n'ai pas besoin d'un orchestre de violons pour dormir, ni besoin de quelqu'un qui hurle sa tristesse pour pleurer. Je le redis, j'aime ces choses simple, or dans ce cas précis c'est si simple, qu'une infime partie d'artistes ont l'idée de créer des telles merveilles à mes yeux. J'en ai trouvé deux, sur tous ceux que je connaîsse... Ces deux jeunes gens sont nés à vingt ans d'intervalle. Ils ont créé une musique issue de leur mélancolie, à la seule aide d'une guitare, ei sont mort tous deux d'un suicide, pas très vieux voire plutôt jeunes. Et moi... Je suis née vingt ans après le plus jeune des deux. Je sais à quoi m'attendre si je me lance dans la musique.
   J'ai toujours ces illusions de princesses quant à l'avenir, mais au fond, j'ai toujours vécu dans le passé. Quelqu'un m'a dit qu'un jour je finirai par être coincée. Ce sera probablement le début de la fin, dans une quinzaine d'années... Qui sait après tout ?

   J'éspère ne pas t'avoir trop choqué... Rassure toi, je ne vais pas compter les jours qu'il me reste avant de me suicider à coups de couteau dans le ventre. Je suis encore jeune et j'ai tout l'avenir devant moi. Bien que je n'arrive pas à me projeter dans un avenir dit raisonnable... Et c'est sûrement pour ça que je sens que je ne mourrai pas vieille. Enfin bon, je ne vais pas t'enquiquiner d'avantage avec ça.

   Pour en revenir à ce pré et cet arbre... il ne me resserre pas le ventre... car il est sûrement possible d'y aller vraiment. Cela me réjouit. Ce serait une victoire de réaliser un de mes petits voyages. Cela me donne envie de prendre une voiture, et de conduire au hasard, ce morceau envahissant la voiture, jusqu'à ce que je tombe dessus, que je me gare, et que je me précipite à travers l'étendue verdoyante en souriant...

   N'est-ce pas joli ? En tout cas... pour le moment je crois qu'il va falloir être raisonnable et aller se coucher. J'aurai une pensée agréable pour m'endormir. Et je penserai au fait que je le partagerai avec toi, ami lecteur à qui je souhaite une bonne nuit.
   Mais au fond, ce qui me dérange vraiment vis-à-vis de ce rêve, c'est de n'être pas née cinquante ans plus tôt...